« Je suis Rock ‘n’ roll ! » C’est en ces termes que Lorraine s’est définie : une créatrice rebelle qui ne respecte pas les normes, que l’on ne peut pas ranger dans une case définie, que ce soit pour la pratique artistique ou le support qu’elle utilise. Une créatrice motivée par tout autre chose que le business, guidée par une forte spiritualité, pour nourrir son jardin secret, et façonner son chemin de vie. Rencontre avec Leau Reine.
C’est un ami qui vivait à Saint-Barth depuis 25 ans qui a invitée Lorraine, originaire de Bourgogne, à découvrir l’île.
à 22 ans, elle vient pour des vacances, puis elle y revient, fait des petits boulots tout en exerçant son talent créatif. Elle y reste, happée par l’énergie de l’île qu’elle ressent profondément. « Saint-Barth est une île puissante en énergie, qui permet aux artistes d’évoluer à travers leur art. On me l’avait dit, et je l’ai vérifié ». Lorraine a commencé à travailler avec les coquillages, puis les bois flottés. Aujourd’hui manager de villa, elle n’hésite pas à mettre à profit son talent pour embellir ces lieux, que ce soit pour restaurer des mobiliers, rehousser des fauteuils, sabler une table ou redonner vie à des chaises.
Lorraine n’est pas une artiste ordinaire. Elle est autodidacte, éclectique et ne répond pas à un cheminement classique, attaché à une discipline. Elle est avant tout guidée par son émotion et son intuition. Lorraine crée à partir d’une émotion intense qu’elle ressent profondément suite à une rencontre, un paysage, un tableau, une couleur, une musique, un silence …
« J’associe ma créativité à une émotion que j’ai besoin de faire sortir. Ma création est toujours motivée par une émotion, un amour, une beauté, une matière, ou encore une musique, qui a une grande résonance en moi. Aujourd’hui, je crée pour moi, pour sortir une émotion, pas dans le but de créer une émotion pour l’autre. »
Son intuition la pousse à choisir une technique – peinture, écriture ou couture – et un matériau : papier, bois, cuir, toile… et elle exprime alors sa créativité sans limite.
« Je ne suis pas enfermée dans des formes ou des matériaux. Je ne suis pas scolaire. Mon choix de support est instinctif en fonction de ce que j’ai à la maison. »
Elle travaille le bois, réalise des peintures, dessine des bijoux qu’elle fait réaliser par des artisans. Depuis quelques années, elle travaille le cuir. La réalisation de sacs, de pochettes, de portes stylos, et même la rénovation de fauteuils en cuir sont son nouveau terrain de prédilection.
« Le cuir est une matière noble, qui a une odeur qui vit. Il va changer de couleur, d’aspect. Il évolue et change avec notre énergie. Je rends hommage à ce qui est à l’origine de la matière, en donnant une autre vie à travers un objet que je crée. On ne peut pas changer le monde, mais on peut donner vie, et rendre hommage à ceux qui ont vécu. C’est valable pour les animaux, comme pour les arbres ou les plantes. »
Très éclectique, admirablement habile de ses 10 doigts, capable de faire des merveilles avec peu, Lorraine sait exprimer son talent créatif dans des réalisations étonnantes, et très abouties.
« J’ai toujours été habille de mes mains, j’ai toujours bricolé depuis petite. Ma famille avait peu de moyens, il fallait se débrouiller. En fonction de mon état, je vais être dans un processus créatif très minutieux et pointilleux : comme la réalisation d’un sac qui m’a pris plus d’une semaine, ou à l’opposé, très instantané ou immédiat : comme la réalisation d’un dessin ou l’écriture d’un poème. La création accompagne mon état, comme pour une guérison. C’est une sorte d’art thérapie. »
Si Lorraine crée d’abord pour elle-même, elle peut aussi le faire pour l’offrir à une personne qui l’inspire. Ne pouvant pas répondre à une commande, ni reproduire un modèle, ses productions sont des modèles uniques et sa création reste son jardin secret qu’elle chérit et nourrit à sa discrétion.
« L’art c’est ma vie personnelle. Je ne veux pas être tenue par des règles, des commandes. Mon but n’est pas le business. »
C’est tellement personnel que Lorraine est capable d’offrir l’entièreté de son dos pour l’expression artistique d’une tatoueuse. Rien de conventionnel dans ses tatouages, ils sont tous le fruit d’une rencontre. Toutes des tatoueuses, anciennes en quête de re-confiance, novices en quête de pratique ou même confirmées en quête de créations… Généreuse, elle exprime une réelle empathie pour l’autre, avec simplicité et authenticité.
Sa création est guidée par son intuition nourrie elle-même par sa spiritualité. Lorraine est aussi certifiée professeur de hata yoga et formée au Reiki. Elle fait le lien entre les postures corporelles, les courants énergétiques, qui contribuent à ouvrir son canal de réception, et pratique le channelling.
« Mon art est en connexion avec le spirituel, c’est une forme de méditation pour moi. La spiritualité est un trésor qui s’enrichit au fil des années, en développant la conscience de ce que l’on reçoit. Mon channeling se nourrit de mes créations, mes voyages, mes expériences, mes rencontres avec les autres.»
Sa création peut être aussi inspirée par ses lectures, comme l’amant de Marguerite Duras. « Ce livre a déclenché le besoin d’écrire. En silence, j’écris. Pour cet art c’est l’amour ma plus grande inspiration. Il m’est arrivé d’écrire des poèmes, et même un recueil. J’aime le fait d’offrir des mots. Plus intimement l’amour est une beauté si changeante, que je me plais à croire que les esprits sont touchés par la douceur des écris. Et qu’à la finalité, ces chanceux pourront se dire : » On m’a écrit un poème « . Aussi l’écrit est un art qui vous permet de vous détacher de votre quotidien. Ainsi j’ai toujours écrit un journal, comme si le fait d’écrire m’apportait des réponses. C’est une profonde méditation introspective. »
Mais ils ont une vie limitée. « En général, je ne relis jamais mes écrits, je les jette. Une fois l’émotion exprimée, je ne reviens plus dessus. Cela n’a plus de sens pour moi. »
Une personnalité riche, peu commune, à découvrir.
Propos recueillis par C.R