Albane, jeune femme de 24 ans est originaire de Saint-Barth par sa mère. Après une douce adolescence dans son île natale, elle quitte Saint-Barth pour poursuivre ses études dans l’hexagone, et, férue de littérature, choisit de faire une prépa littéraire au Lycée Lakanal à Sceaux.
Forte de son intérêt pour l’autre, pour la recherche et le traitement de l’information, Albane se forme au métier de journaliste à Paris. Après une riche expérience en alternance à France TV, au pôle Outremer, elle en sort fraîchement diplômée en juin 2024.
C’est au cours de ses études qu’elle découvre, avec surprise et intérêt, le sujet de l’esclavage à Saint-Barth, lors d’une commémoration, dans un sujet traité par le journal de Saint-Barth.
Elle se passionne alors pour ce sujet, peu connu, trouvant passionnant de faire connaître les origines d’une partie de la population résidant toujours sur l’île, et de faire connaître cette partie de l’histoire de Saint-Barth restée dans l’ombre, au plus grand nombre.
Elle entreprend de faire un documentaire de ses premières recherches, à partir de témoignages de ceux qui ont travaillé sur le sujet, et s’aidant des quelques archives sur le sujet.
Ce documentaire, diffusé en mai dernier au Festival du Film à Saint-Barth, a reçu un accueil empli d’intérêt et de curiosité de la population. Le projet d’Albane est de continuer à enrichir ses recherches, notamment en donnant la parole aux descendants d’esclaves à Saint-Barth. Mais la tâche n’est pas aisée, d’une part parce que très peu d’habitants ont fait la démarche de connaître leurs origines, et que ce sujet, sensible, est à traiter avec précaution.
Albane nous livre ici les grandes lignes de son travail.
L’esclavage, le passé oublié de Saint-Barthélemy
Par Albane Harmange
En se baladant dans les rues de Gustavia, les touristes peuvent apprécier les vestiges de la période suédoise à travers son architecture si particulière. Mais ces visiteurs savent-ils que la plupart de ces bâtiments ont été construits par des personnes mises en esclavage ? La plupart l’ignorent, comme de nombreux habitants de Saint-Barth. Ce n’est que depuis le 9 octobre 2023, lors de la première cérémonie officielle de l’abolition de l’esclavage à Saint-Barth, qu’une plaque commémorative a été installée sous le fromager, sur le fort Gustav III. Un lieu qui n’est pas anodin. « C’est un endroit qui fait partie des bâtiments construits par les esclaves pendant la période suédoise », précise Bettina Cointre, élue en charge de la culture.
Lors de cette première cérémonie officielle, la première vice-présidente de la Collectivité, Marie-Hélène Bernier, a tenu à remercier un homme, Richard Lédée, de toutes ses recherches historiques « pour rétablir la vérité sur l’esclavage ». C’est grâce à l’acharnement de ce marin que le 9 octobre est désormais établi comme date officielle de l’abolition de l’esclavage à Saint-Barth, et non plus le 27 mai comme en Guadeloupe, et ce depuis 2012. Mais dans les faits, il a fallu du temps pour que ce changement de date soit réellement appliqué. « De notoriété, on était majoritairement blancs parce qu’il n’y avait jamais eu d’esclavage sur cette île-là, retrace Richard Lédée. Nos aînés en étaient encore très convaincus, et moins prêts à accepter que l’histoire n’était pas du tout celle-là. »
Cette confusion historique vient notamment du passé mouvementé de Saint-Barth, petit caillou trimballé entre diverses puissances coloniales, comme de nombreuses îles de la Caraïbe. Les archives de la période suédoise, qui renferment des informations sur l’esclavage à Saint-Barth, ont elles aussi beaucoup voyagé. Lorsque l’île est redevenue française en 1878, le Fond Suédois de Saint-Barthélemy a été envoyé en Guadeloupe, puis en Martinique, avant d’atterrir à Aix-en-Provence, aux Archives nationales d’Outre-mer. Pour sauvegarder ces documents devenus fragiles, l’historien suédois Fredrik Thomasson a entrepris avec son équipe leur numérisation. « Cela répond à la vraie finalité des archives qui est leur consultation par le public », se réjouit Elise Magras, responsable des archives de Saint-Barth.
Mais certains habitants de l’île n’ont pas attendu la mise en ligne de ces documents pour se pencher sur ce pan de l’histoire peu connu. Co-fondatrice du Domaine Félicité, Arlette Magras expose dans ce musée familial de nombreux documents qui attestent de la présence de personnes esclavisées sur l’île. Comme ce recensement réalisé par Samuel Falhberg en 1785 qui liste les « Blancs » et les « esclaves » dans chaque quartier de l’île. « Il y a même des moments où les esclaves étaient majoritaires », souligne Arlette Magras. En cherchant bien, il existe tout de même sur cette île, des traces de ce passé oublié.